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L’analyse chimique comme dématérialisation


Mutation du laboratoire: du travail sur la matière à la transformation des signes

Ainsi le laboratoire achève-t-il de devenir le lieu d’un travail symbolique sur la matière. Certes, les chimistes continuent à effectuer des opérations matérielles sur les substances: outre la plus importante, leur synthèse, sur laquelle nous reviendrons, ils se livrent à leur isolement, à leur purification, à leur modification (dans des buts allant d’une volatilité augmentée à une meilleure cristallisation et à une activité médicamenteuse désirable), …
Mais le travail “dématérialisé” s’il ne prime peut-être pas encore sur le travail matériel, ce travail intellectuel s’est donné d’ores et déjà une importance comparable. Son outil principal est l’ordinateur, mis à contribution pour des tâches diverses: représenter l’objet sous forme d’un modèle moléculaire, et le présenter dans l’espace à trois dimensions; prévoir ses fréquences de vibration dans la partie infrarouge du spectre; prédire de même les spectres de résonance magnétique de noyaux tels ceux d’hydrogène et de carbone-13; cartographier la densité des électrons ou le champ électrostatique en différents points au voisinage des noyaux d’une molécule; prévoir la longueur d’onde des maxima d’absorption de la lumière visible et donc la couleur d’une molécule; etc …
Le passage de l’échelle macroscopique, celle des qualités sensibles, à l’échelle microscopique, celui de l’objet moléculaire (par l’entremise des assemblées moléculaires) s’accompagne aussi d’une mutation de l’observation expérimentale au calcul théorique. On pourrait définir l’objectif de l’analyse chimique, aujourd’hui, comme étant la tabulation alphanumérique des constituants d’un mélange. La matière est envisagée sous l’angle démographique: elle comporte divers sous-ensembles (ou sous-populations), dont chacune a un nombre d’individus, moléculaires, qu’on détermine avec une étonnante précision.
L’histoire de l’analyse, l’épidode de la découverte et de l’avènement de la spectroscopie y compris, se lit donc aussi et à la fois comme une histoire de l’augmentation de la sensibilité des mesures, et comme histoire d’une distanciation progressive d’avec les propriétés immédiates. Au XVIIIe siècle, lorsque Gabriel Venel rédigeait l’entrée CHYMIE de l’Encyclopédie, on pratiquait l’analyse par le feu, et l’analyse par les menstrues (= solvants, en parler d’aujourd’hui). Ces deux modalités ont donné naissance, à la spectroscopie d’une part, aux méthodes chromatographiques d’autre part, mais au prix d’un éloignement.
Qu’en est-il pour la chromatographie? S’interposent entre l’échantillon matériel et le chromatogramme qui le représente, d’abord un solvant, puis une boîte noire faite de granules de diverses résines, puis un autre solvant ou éluant servant à balayer les molécules adsorbées à la surface du support chromatographique, puis un détecteur physique (mesurant, par exemple, les variations de l’indice de réfraction), puis un convertisseur produisant un signal électrique, suivi d’une autre boîte noire, électronique et numérique: amplificateurs, accumulateurs, lisseurs, intégrateurs, … de signal.
Si l’on ajoute à ce tableau qu’en règle générale les échantillons matériels sont minuscules, avec des masses souvent comprises entre le microgramme et le milligramme, on en conclura que le chimiste d’aujourd’hui manipule surtout des représentations; et que le laboratoire du chimiste, davantage qu’un lieu de transformation de la matière, est devenu surtout un lieu de production de concepts.

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Published inPhilosophy of Chemistry